Mario Lanza

Ténor de légende

 

L’histoire de la vie de Mario Lanza est des plus romanesques. C’est l’histoire flamboyante et tragique d’une voix sublime et d’un destin hors du commun.

Doté de l’une des plus belles, sinon de la plus belle voix naturelle de ténor lyrique et dramatique du 20ème siècle, Mario Lanza était un artiste fascinant et un chanteur hors pair qui sublimait tout ce qu’il chantait.

En 14 ans de carrière il était devenu une immense star planétaire. Il a donné des shows devant des dizaines de milliers de personnes, réalisé en 10 ans plus de 400 enregistrements dont 33 magnifiques albums sous le prestigieux Red Seal label (Sceau Rouge, réservé aux plus grands artistes de RCA Victor), vendu des disques par millions, triomphé dans plus de 300 concerts à guichets fermés dans des salles immenses et tourné 7 films.

Avec ses films, dont le mémorable The Great Caruso (Le Grand Caruso), Mario Lanza a apporté au grand public, plus qu’aucun autre chanteur avant ou après lui, le prestige et le romantisme de l’opéra.

Lorsqu’il s’aventura dans la mélodie populaire, il remporta dans ce domaine, disques d’or sur disques d’or, face à des crooners de premier plan tels que ses amis Frank Sinatra, Frankie Laine, Dean Martin ou Perry Como.

En 1949 Arturo Toscanini proclamera haut et fort que « Mario Lanza est la plus grande voix du 20ème siècle ». Admiré par ses pairs, Mario Lanza a inspiré la carrière de plusieurs générations de chanteurs, hommes et femmes dont les « Trois Ténors.

L’actualité de ce ténor incomparable persiste de nos jours. On assiste même, 52 ans après sa mort tragique, à une renaissance de son mythe, comme l’avait prédit en 1959 l’illustre baryton Lawrence Tibbett: « Dans 50 ans le monde entier reconnaitra en Mario Lanza le grand artiste qu’il était ! »

Les sites internet qui lui sont dédiés ne cessent de se développer. Des hommages lui sont rendus à travers le monde par de grands artistes sous forme de concerts, de DVD, ou d’albums qui lui sont dédiés. A Philadelphie, sa ville natale, un boulevard et un parc portent son nom. Le 7 octobre a été déclaré « Jour Mario Lanza » et une plaque de bronze a été fixée sur le trottoir devant l’Academy of Music. Un panneau de la ville signale la maison où il est né. Sur le Hollywood Walk of fame, il y a deux étoiles à son nom et à Palm Springs, une étoile a été déposée en 1998 à côté de celle de Frank Sinatra.  A Pavie (Italie), un parc porte son nom, tandis qu’à Londres une plaque au nom de Mario Lanza a été fixée au dos d’un fauteuil d’honneur du Royal Opera House, et une plaque de bronze a été déposée devant l’entrée du Royal Albert Hall.  

Mario Lanza est né en 1921, l’année de la mort de Caruso. Cette naissance serait probablement passée inaperçue si une génération plus tard, Mario Lanza n’allait être considéré comme le successeur de Caruso.

 

Enfant unique d’un couple modeste d’immigrants Italiens, Mario Lanza voit le jour le 31 janvier 1921 dans le quartier populaire et pittoresque de Little Italy (La petite Italie), dans le sud de Philadelphie.

Passionnés d’opéra, les parents de Freddie possèdent une importante collection de 78 tours, et le futur Mario Lanza sera bercé par les plus grandes voix de son temps : Tito Schipa, Giacomo Lauri-Volpi, Aureliano Pertile, Beniamino Gigli… et bien sûr par celle du ténor des ténors, l’incarnation du chant par excellence, Caruso, qui sera son idole, et à qui il sera constamment comparé jusqu’à sa mort prématurée.

A l’âge de 7 ans, aux dires de ses parents, le jeune Freddie écoutera 27 fois de suite un disque de Caruso sans bouger de son siège. La voix de Caruso sera pour le jeune garçon une drogue.

Il écoutera les disques de Caruso et les réécoutera sans cesse pour s’enivrer de cette voix magique. A l’âge de 15 ans il connaîtra par cœur 52 arias et sera capable d’en discuter savamment avec les professionnels de l’opéra.

Puis, un jour, à l’âge de 16 ans il déclare à ses parents qu’il ne veut pas devenir avocat comme le souhaite sa mère, mais ténor d’opéra. Et pour appuyer ses dires, Freddie se met à projeter des notes aigues d’une pureté et d’une puissance inouïe. Son père qui s’y connait quelque peu en voix dira qu’il a pleuré d’émotion en entendant la pureté de ces notes et la puissance de la voix de son fils.  

Ses parents lui feront prendre des cours de chant, d’abord avec Antonio Scarduzzo, un baryton du Metropolitan Opera, puis avec une ex-cantatrice, Irene Williams. Tous deux se trouveront rapidement désemparés devant les dons exceptionnels de leur élève. Consciente qu’elle détenait entre ses mains un prodige, Irene Williams va le faire auditionner par le célèbre Maestro Serge Koussevitzky, directeur du Philharmonique de Boston, à l’occasion de son passage à Philadelphie pour une série de concerts.

Lors de son audition à l’Académie Nationale de Musique de Philadelphie, Freddie chante pour le Maestro le grand air de Paillasse « Vesti la giubba ». A la fin de l’aria, Koussevitzky se lève d’un bond de sa chaise, prend le jeune garçon dans ses bras, l’embrasse sur les deux joues et s’exclame stupéfait : « Quelle extraordinaire voix ! C’est Caruso ressuscité ! »

Koussevitzky va faire obtenir à Freddie une bourse pour étudier le chant à Tanglewood, ce haut lieu de la musique aux Etats-Unis, où étudièrent aussi d’autres célébrités, comme la soprano américaine Beverly Sills, et où il chantera en août 1942 lors du festival d’été, pour la première fois, sous le pseudonyme de Mario Lanza. Il prendra officiellement le nom de Mario Lanza le 7 octobre 1948.

Confié par le Maître, aux mains expertes de ses assistants les Maestros Leonard Bernstein et Luka Foss, Mario Lanza chante le rôle de Fenton dans Les Joyeuses Commères de Windsor d’Otto Nicolaï, et celui de Rodolfo dans l’acte III de La Bohème de Puccini.

A l’issue de ces représentations, le maestro Boris Goldovsky qui conduisait l’orchestre, déclarera : « La voix qui sortait de cette gorge était éblouissante, inoubliable... Elle semblait provenir d’un autre monde ! » Koussevitzky ajoutera : « Ce garçon a une voix de celles que l’on n’entend qu’une fois par siècle ! »

Noel Strauss, sévère critique musical, écrira dans le New York Times : « La révélation de la saison fut sans conteste le jeune ténor Mario Lanza, âgé de seulement 21 ans.

Peu de chanteurs actuels sont capables de rivaliser avec lui en termes de beauté de voix et de puissance. Il pourrait déjà, s’il le voulait, intégrer le Metropolitan Opera ! »

Mais l’Amérique est en guerre contre le Japon. Mario Lanza est incorporé dans l’Armée de l’Air le 5 janvier 1943. Affecté au Théâtre aux Armées, il chantera de base en base de nombreux airs d’opéra pour les GI dans le spectacle « On The Beam » où il fera sensation. Il chantera aussi dans le Chœur de « Winged Victory » (Victoire Ailée) qui donna 212 représentations à Broadway.

De passage à Hollywood où le show « Winged Victory » doit être filmé par le réalisateur George Cukor pour Twentieth Century Fox, le soldat Lanza, 23 ans, va se faire remarquer dans des soirées où il sera invité par des stars. Chez Frank Sinatra, il chantera un soir de 23 heures à 7 heures du matin devant des célébrités éblouies.

L’acteur Walter Pidgeon, baryton de formation, dira : « La voix que j’ai entendue hier soir est exceptionnelle, bien supérieure à tout ce que j’ai entendu jusqu’ici, y compris Carusoet Gigli ! »

Maria Margelli, accompagnatrice de la grande basse italienne Ezio Pinza, dira : « J’ai entendu toutes les plus grandes voix. Mais le jour où j’ai entendu Mario Lanza, je sus que j’avais entendue la plus grande de toutes.»

Démobilisé le 29 janvier 1945, Mario Lanza épousera le 13 avril Betty Hicks, la sœur d’un camarade de régiment, qui lui donnera quatre enfants et mourra cinq mois après lui à l’âge de 36 ans le 11 mars 1960.

Du 24 octobre 1945 au 20 février 1946, il chantera des arias et des duos d’opéra dans l’émission de radio « Great Moments in Music », diffusée dans tous les Etats-Unis, où il remplace le célèbre ténor Jan Peerce.

Mario Lanza prendra des cours de chant à New York avec le fameux Enrico Rosati qui fut, entre autres, le professeur de Giacomo Lauri-Volpi et de Beniamino Gigli. Lors de son audition, Rosati s’arrêtera de jouer et dira la larme à l’œil : « Vous recherchez un professeur de chant. Mais personne ne pourra vous apprendre à chanter, car vous avez déjà eu le meilleur professeur de tous… Dieu ! ».

Sa formation avec Rosati fut courte (15 mois), mais intense et suffisante compte tenu des prédispositions et de la musicalité innée du jeune homme.  « Mario Lanza fut mon dernier élève, dira le Maître (72 ans). Lorsque j’ai entendu ses aigus lors de sa première audition, j’ai failli avoir une apoplexie. Il avait la plus belle voix qu’il m’ait jamais été donné d’entendre ! »

Engagé par les Concerts Columbia, Mario Lanza triomphera aux Etats-Unis, au Canada, au Mexique et en Europe. Il donnera dans sa courte carrière plus de 300 concerts à guichets fermés dans des salles immenses, dont 86 concerts avec le « Bel Canto Trio », de juillet 1947 à mai 1948, où il aura pour partenaires George London, baryton-basse et Frances Yeend, soprano, qui feront tous deux, et particulièrement George London, de grandes carrières à l’opéra.

Mario Lanza fut le premier ténor à donner des concerts géants, comme les 6 et 7 juillet 1946 au Grant Park de Chicago où il attira, sur son seul nom, 130 000 spectateurs en deux soirées, et il n’avait que 25 ans !

Voici ce qu’écrit Claudia Cassidy, critique musical, dans le Chicago Sunday Tribune :

« Mario Lanza est la plus sensationnelle découverte de l’année. Il chante pour l’incontestable raison qu’il est né pour chanter. Il a une voix de ténor naturelle splendide qu’il utilise par instinct. Tout ce qui émane de sa voix et de sa personnalité est impossible à apprendre. Il sait de façon innée accentuer une ligne mélodique pour l’enrichir et faire tressaillir le public. Il sait pourquoi l’opéra est un drame musical. Sa voix est extraordinaire. Quand il attaque « Celeste Aïda », l’intensité dramatique est présente telle que l’a écrite Verdi, avec un pianissimo qui enfle crescendo. Son interprétation est magnifique et la foule l’acclame, tandis que visiblement satisfait, mais sans plus, il s’essuie les sourcils. »

Mario Lanza impressionnera si fortement le nouveau Président des Etats-Unis Harry Truman, lors de l’émission Great Moments in Music, que celui-ci l’invitera à trois reprises pour chanter devant ses invités de marque, dont une fois à Blair House, lors d’une réception de 1800 personnes.

Puis vint le concert du destin, celui qui allait le détourner de sa trajectoire initiale vers les scènes d’opéra. Le 27 Août 1947, Mario Lanza chante au Hollywood Bowl de Los Angeles, Temple mythique de la Musique aux Etats-Unis, où se produisent, en plein air, encore aujourd’hui, les plus grands chanteurs.

Ce concert ne figurait pas dans son planning. Il a été ajouté. Mario Lanza est appelé à remplacer au pied levé le ténor Ferruccio Tagliavini, indisponible. Pour Mario Lanza, c’est un concert de plus qu’il va entreprendre avec le même enthousiasme que les précédents. L’orchestre est dirigé par le grand Maestro de Philadelphie, Eugène Ormandy.

Mais ce soir là, dans le public du Hollywood Bowl, il y a un homme important. Cet homme c’est le fameux Louis B. Mayer, président-fondateur de la toute puissante Métro-Goldwyn-Mayer, le plus grand studio de cinéma d’Hollywood.

Mayer est aussi un connaisseur et un fan d’opéra, et lorsqu’il entend Mario Lanza, il est subjugué, comme le public et la Presse, par la voix sublime qu’il vient d’entendre. L’interprétation d’André Chénier, « Un di all azzurro spazio », est saluée par une standing ovation de 12 minutes.

A la fin du concert, la larme à l’œil, Mayer se précipite dans les coulisses et propose à Lanza de l’engager. Le contrat qu’il offrira trois jours plus tard au jeune ténor est tellement avantageux qu’aucun artiste n’aurait jamais osé le refuser.  

Le lendemain de ce concert on peut lire dans le Los Angeles Daily News : « Mario Lanza a électrisé l’auditoire qui l’a longuement acclamé, il a une voix splendide qu’il utilise avec intelligence et un art consommé. Déjà correctement développée, elle apparait comme une voix exceptionnelle. »

La soprano Olivia Stapp qui chanta avec Carlo Bergonzià la Scala de Milan, et qui est depuis 2007 directrice de l’Opéra de San José en Californie, dit : « Mario Lanza avait une voix extraordinaire, mais ce qui le distinguait des autres grands ténors, c’est la poésie qu’il mettait dans son chant. Et c’est cette poésie, véhiculée par une voix extraordinaire, qui électrisait instantanément les auditeurs.»

Avant la mise en chantier de son premier film That Midnight Kiss, (Le Baiser de Minuit), dont le tournage ne commencera qu’en novembre en raison de la grossesse de sa partenaire la soprano Kathryn Grayson, Mario Lanza chantera les 8 et 10 avril 1948 « Madame Butterfly » à l’opéra de la Nouvelle Orléans sous la direction du Maestro Walter Herbert.

Ces deux représentations seront saluées par des standing ovations. Les critiques enthousiastes déclareront « n’avoir jamais vu ni entendu un aussi beau ténor romantique ! ». « Mario Lanza a chanté avec panache. Il a une voix splendide, riche, resplendissante, qu’il utilise avec intelligence et qui donne de l’émotion ».

Avec Mario Lanza, Hollywood découvre une étoile de première grandeur. Pour la première fois dans l’histoire du 7ème Art, un ténor d’opéra va devenir une des têtes d’affiches les plus payées et les plus convoitées du monde du cinéma.

Dès la sortie de son premier film « That Midnight Kiss », le succès est immédiat. C’est la première fois qu’un aria, en l’occurrence Celeste Aïda, est chanté en entier dans un film.

Toscanini dira : « On a l’impression que Verdi et Puccini ont écrit leurs opéras spécialement pour Mario Lanza ! ».

Le film suivant, « The Toast At New Orleans » (Le Chant de la Louisiane), plus riche encore en séquences d’opéra, confirmera ce succès sans précédent.

Si la MGM savait qu’elle avait engagé un ténor exceptionnel, personne n’avait imaginé un pareil impact sur le public. Aussi on s’empresse de réaliser un troisième film. En 1951, alors que son troisième film, Le Grand Caruso, qui lui donnera la gloire internationale, n’est pas encore sorti dans les salles, Mario Lanza entreprend aux Etats-Unis et au Canada, une nouvelle série mémorable de 22 fabuleux concerts à guichets fermés destinés à faire la promotion du film.

Voici ce que dit son accompagnateur, Constantine Callinicos : « A Philadelphie sa ville natale, la salle de l’Académie de Musique (le plus ancien opéra des Etats-Unis, 2 897 places) est comble elle aussi. Mario chante sans micro. Pour ce récital on a installé 400 chaises sur la scène et de nombreuses personnes se tiennent là aussi debout dans les coins et contre les murs de la salle. La police, pour des raisons de sécurité, refuse de faire entrer plus de monde.

Le prix habituel des places était de 5 dollars, mais de nombreuses places se sont vendues au marché noir à 40 et 50 dollars, soit 800 à 1 000 dollars actuels. Et il en sera ainsi durant toute la tournée de concerts. Partout où nous passions, ce n’était qu’ovations, ovations et encore ovations ».

A Omaha, dans le Nebraska, il chante toujours sans micro dans un immense auditorium de 10 000 places plein à craquer. Constantine Callinicos, son accompagnateur, dira : « Tous ceux qui ont entendu Mario ce soir là n’auraient jamais accrédité la rumeur selon laquelle la grande dimension de sa voix était due aux ingénieurs du son ! » « La critique est dithyrambique. Aucun chanteur d’opéra n’a jamais été autant acclamé, ni autant payé. »

En raison de sa popularité, il ne peut plus faire un pas dans la rue sans être assailli par des nuées d’admirateurs et d’admiratrices souvent hystériques qui le bousculent, veulent le toucher, l’embrasser. Parfois même il est poursuivi en voiture. A chaque fois la Police doit intervenir pour l’aider à s’extirper de ces cohues. Et cette situation ne fera qu’empirer après la sortie de son film Le Grand Caruso.

Pour ces 22 concerts, Mario Lanza reçoit la somme exorbitante de 177 200 dollars (plus de trois millions et demi de dollars actuels). Simultanément, il reçoit de RCA un premier chèque de 746 000 dollars de royalties pour une période de dix mois (le plus gros chèque jamais versé à un artiste en ce temps là). RCA voit ses ventes de disques et ses bénéfices voler de record en record. Quelques mois plus tard, Lanza allait recevoir de RCA un nouveau chèque de 1 100 000 dollars.

En cinq ans, Mario Lanza gagnera plus de 5 millions de dollars (environ 100 millions de dollars actuels). Des cachets et royalties considérables que seules les industries du cinéma et du disque peuvent offrir à un artiste d’exception et qui sont sans commune mesure avec ce qu’il aurait pu gagner en chantant au Met ou à La Scala où les cachets des plus grandes stars du Met ne dépassaient pas 1000 dollars par représentation.

Le retour à Los Angeles, et avant 3 nouveaux concerts à Honolulu où il compte aussi prendre quelques jours de vacances avec plusieurs amis dont le grand acteur Tyrone Power et son épouse l’actrice Linda Christian, Mario Lanza, va se montrer d’une grande générosité.

Pour ses parents qu’il adore et qu’il a fait venir à Hollywood, il achète une jolie villa équipée surplombant l’océan, dans le quartier huppé de Pacific Palisades. A Betty, son épouse, il offre des bijoux et un superbe manteau en vison. Pour ses amis, il achète deux douzaines de montres en or de 14 et 18 carats au dos desquelles il fait graver : « With love » (Affectueusement) Mario. A ses amis les plus proches, il offrira même de superbes voitures. Enfin, il se fera plaisir en s’offrant une montre de collection qui s’ajoute à celles qu’il possède déjà, et, comme il adore depuis toujours les animaux et en particulier les chevaux, il s’achète un cheval de course.

Mario Lanza avait de nombreux points communs avec Caruso. Pas seulement par la voix, mais aussi par sa grande générosité et sa sollicitude envers les moins fortunés. Chaque fois que l’occasion se présentait, il chantait spontanément et gratuitement, sans calcul ni arrière pensée, comme ce fut le cas notamment, pour des gens modestes au Mexique et en Italie. On se souvient aussi qu’il avait envoyé à ses parents, l’intégralité de son premier cachet, soit 250 dollars.

Ses revenus considérables de ténor superstar vont lui permettre de vivre sur un très grand pied. Sa dernière villa, louée à Beverly Hills, au cœur d’une pinède, 355 St Cloud Drive, dans le quartier des stars de Bel Air, n’avait pas moins de 32 pièces, et celle qu’il louera à Rome en 1957 dans un quartier résidentiel, 56 via Bruxelles, la « Villa Badoglio », entourée d’un parc, était un palais de quinze pièces assorti de huit domestiques.  Ce luxueux Palais est depuis plusieurs années le siège de l’Ambassade de Chine en Italie.

RCA Victor qui, pour la première fois de son histoire, avait signé un contrat avec un inconnu le 15 mars 1945, voit ses ventes de disques et ses bénéfices battre tous les records. Ses disques se vendront par millions. Mario Lanza vend plus de disques que tout autre, y compris son ami Frank Sinatra. Outre le single « Be My Love », qui en 1968 c’était vendu à plus de 11 millions d’exemplaires (un exploit pour un artiste classique!), de nombreuses chansons seront composées spécialement pour lui qui feront le tour du monde. Sam Weiler, son impresario dira : « Mario Lanza transformait en or tout ce qu’il touchait ». En cinq ans il remportera 11 disques d’or et de nombreux trophées.

Sammy Cahn qui écrivit les textes de nombreuses chansons, notamment pour Frank Sinatra, dira : « Si vous n’avez entendu Mario Lanza qu’à travers des disques, des bandes magnétiques ou au cinéma, alors vous ne l’avez jamais entendu. Aucun appareil de reproduction ne peut retransmettre la beauté et la puissance d’une telle voix ! Elle vous sort les tripes du ventre ! Même si sa voix nous parait magnifique au disque, elle n’est qu’une pâle copie de la réalité.»

La Première de son troisième film, « Le Grand Caruso », a lieu au célèbre Chinese Theatre
d’Hollywood le 29 mai 1951, en présence de la Presse et de tout le gotha d’Hollywood : Artur Rubinstein et les plus grands acteurs américains, Clark Gable, James Stewart, Lana Turner, Elisabeth Taylor, Jane Powell…

La salle est comble. Le film est salué par une interminable standing ovation. Dean Martin résume en trois mots la sensation ressentie par le public ébloui : « Mario crève l’écran ! » Le 10 juin 1951, Le Grand Caruso est projeté au Radio City Music Hall de New York, la plus grande salle de cinéma des Etats-Unis (5 882 places). 1 250 000 spectateurs verront le film dans cette salle au cours des dix premières semaines. La queue s’étendait jusqu’au Rockefeller Center. Le film sera distribué dans de très nombreux pays y compris dans les pays de l’Est et l’Union Soviétique.

Selon Johnny Green, directeur musical de la MGM, en 1968 Le Grand Caruso avait déjà rapporté 40 millions de dollars de bénéfices à la célèbre compagnie.

Et la carrière du film était loin d’être terminée. Le Grand Caruso fera plusieurs fois le tour du monde dans les salles de cinéma. Il est encore programmé à la télévision.

Le Grand Caruso se révèle être un monument cinématographique et musical. C’est le film le plus chantant. On y dénombre pas moins de 27 séquences chantées, dont 16 arias et duos, interprétés par Mario Lanza avec un exceptionnel brio.

Les plus grandes stars du Metropolitan Opera: Dorothy Kirsten, Jarmila Novotna, Blanche Thebom, Nicolas Moscona, Giuseppe Valdengo… sont choisies par le maestro Peter Herman Adler pour donner la réplique à Mario Lanza qui les a toutes éblouies. Le Grand Caruso pulvérise non seulement tous les records de recettes de l’année 1951, mais aussi tous les records au box-office du cinéma mondial. Ce film installe Mario Lanza au premier rang des plus grandes stars mondiales.

Le fils cadet de Caruso, Enrico Caruso Junior, très conscient de l’hommage exceptionnel que Mario Lanza a rendu à son père en le faisant revivre avec un spectaculaire éclat dans son film Le Grand Caruso, écrira dans sa biographie (« Enrico Caruso, My Father and My Family », Amadeus Press, Oregon, 1999) :

« C’est Mario Lanza qui a fait le succès du film. Avant Mario Lanza et après Mario Lanza, aucun ténor n’aurait pu incarner avec un tel talent vocal et une telle justesse de jeu, la vie de mon père. Mario Lanza est né en même temps qu’une douzaine de très grands ténors. Sa voix naturelle innée est parfaitement placée, avec un timbre splendide, un infaillible instinct musical manifestement absent chez la majorité des autres grands ténors. Sa diction parfaite n’était égalée que par Giuseppe Di Stefano. Sa façon de se donner entièrement dans son chant, son phrasé toujours juste et somptueux, des qualités avec lesquelles peu de chanteurs sont nés et que d’autres n’atteindront jamais. Nous ne devons pas oublier aussi que Mario Lanza excelle dans le double registre de la musique classique et de la musique populaire, un résultat bien au dessus du talent exceptionnel de mon père. Mario Lanza est mon ami. »

Le Maestro Peter Herman Adler dira : « Si Mario Lanza avait abandonné le cinéma pour se consacrer à l’opéra, aucun ténor n’aurait jamais osé se comparer à lui ! »

Le disque du film « Le Grand Caruso » est aujourd’hui encore, le seul disque d’opéra à s’être vendu à plusieurs millions d’exemplaires.

En juin 1951, Mario Lanza anime sa propre émission hebdomadaire de radio qui sera diffusée dans tout le pays jusqu’en septembre 1952: « The Mario Lanza Show », sponsorisée par Coca-Cola. Au cours de ces 69 émissions enregistrées en public le dimanche après-midi devant 1 200 personnes, il chantera quelque 245 arias et chansons et gagnera 5 300 dollars par émission, soit plus de 100 000 dollars actuels, ou 25 000 dollars… par chanson ! Car lors de chaque émission il ne chantait que quatre chansons, ses invitées en chantant deux.

Pavarotti dira : « Pour gagner beaucoup d’argent, il faut  d’abord être très célèbre et avoir aussi beaucoup de talent. »

Après Le Grand Caruso, la MGM souhaite revenir aux comédies musicales qui étaient en vogue à l’époque. Le studio lui impose un film au scénario ridicule qu’il ne veut pas tourner : Because You’re Mine (Tu es à moi). Ce scénario est tellement mauvais que Mario fait des pieds et des mains pour ne pas faire ce film. Il retardera le tournage le plus longtemps possible et entrera ouvertement en conflit avec son employeur.

Mais les chansons et arias du film qu’il a enregistrés sont excellents. Qu’il s’agisse de Granada, de Because You’re Mine (la chanson-titre), d’Addio alla Madre (Cavalleria Rusticana), de The Lord’s Prayer… Finalement, le film sera réalisé, et sera même un succès. Il fera l’objet de la « Royal Command » par la Reine Elizabeth.

A la suite d’un profond désaccord avec le metteur en scène de son cinquième film Le Prince Etudiant, Mario Lanza refusera, malgré l’insistance de ses proches de retourner aux studios et il sera révoqué par la MGM, dont Louis B. Mayer, son protecteur, avait été écarté.

Voici ce que disait Louis Mayer en 1952 : « Quand vous avez la chance d’avoir une orchidée très rare, vous ne la plantez pas au milieu de votre pelouse comme un pissenlit. Vous lui prodiguez les soins les plus affectueux et les plus attentifs. Sur la pelouse elle va mourir. Si j’étais resté à la tête de mon studio, studio que j’ai construit et développé pour en faire le plus grand du monde, il n’y aurait jamais eu de problème avec Mario Lanza. »

Mario Lanza sera remplacé par l’acteur Edmond Purdom qui chantera en playback avec la voix de Lanza, celui-ci ayant préalablement enregistré, magnifiquement, les chansons du film.

Malgré le talent de Purdom, le film ne sera pas un succès. Il lui manquait à l’évidence la présence physique et le charisme de Mario Lanza. En revanche, le disque RCA Victor du Prince Etudiant se vendra à plusieurs millions d’exemplaires et lui rapportera 3 disques d’or.

Révoqué en septembre 1952 par la MGM avec un énorme procès à la clé, Mario Lanza se voit privé de toute source de revenus. Il lui est interdit de tourner de nouveaux films, d’enregistrer de nouvelles chanson et de donner des concerts jusqu’à l’échéance de son contrat de 7 ans avec la MGM. De plus il apprend que son impresario et homme d’affaires, Sam Weiler, a perdu, à la suite d’investissements hasardeux les sommes colossales qu’il avait gagnées et qu’il n’a pas payé une partie des impôts du ténor (200 000 dollars).

Incapable de s’acquitter de ce montant, le Fisc américain met les royalties du ténor sous séquestre. Au bord de la faillite, Mario Lanza entre alors dans une longue période de dépression. Il compensera son stress par l’abus de nourriture, d’alcool et par des incartades extra conjugales qui seront amplement commentées et amplifiées par la Presse people d’Hollywood.

En 1956, après trois années noires, Mario Lanza est sollicité simultanément par toutes les « Majors » (les plus grands studios de cinéma) : United Artists, Columbia, Paramount, Warner Bros, Twentieth Century Fox. Il tournera « Serenade » pour Warner Bros. Un film, d’une durée de deux heures. Le film le plus riche jamais réalisé à ce jour en séquences d’opéra. Mario Lanza aura notamment pour partenaire Licia Albanese, la grande soprano italienne du Met, qui eut pour partenaires les plus grands ténors, Gigli, Di Stefano, Del Monaco, Jobin… et qui chanta sous la baguette de Toscanini. Elle donne la réplique à Lanza dans le duo du mouchoir d’Otello (un « must », voir le CD « Mario Lanza, Arias and Duets », RCA Victor - Sony BMG).

Elle fut émerveillée par la puissance de sa voix et la force de son interprétation. Elle disait, parlant de Lanza : « Sa voix avait la puissance de Caruso et la douceur de Gigli. Mon cœur se brisa quand il mourut.  » Elle ajoutera : « Mario Lanza était incroyable ! Il pouvait imiter à s’y méprendre non seulement Sinatra, Louis Armstrong ou Dean Martin, mais aussi tous les chanteurs d’opéra, Martinelli, Schipa, Gigli, Caruso… et même la basse Ezio Pinza ! »

Drôle et plein d’humour, il s’amusait à imiter au téléphone des stars, des producteurs, des metteurs en scène et des journalistes, à qui il faisait des farces cocasses. Les anecdotes foisonnent à ce sujet.

La grande soprano Renata Tebaldi viendra lui rendre visite sur le plateau de Sérénade. Elle aura la larme à l’œil en écoutant son interprétation de Nessun dorma, et dira : « Mario Lanza avait la voix d’un ange, mais quand il chantait à pleins poumons ça déménageait ! »

Le 17 mai 1957, après avoir donné la veille une grande fête pour sa famille et ses amis au Waldorf Astoria de New York, Mario Lanza, sa femme et leurs quatre enfants, embarquent sur le paquebot Giulio Cesare et quittent les Etats-Unis pour l’Italie.

Onze jours plus tard, sur le port de Naples, Mario Lanza et sa famille seront accueillis, par une foule en liesse. De grands calicots souhaitent la bienvenue en Italie au successeur de Caruso.

Le fils cadet de Caruso invitera Mario Lanza chez lui et l’honorera de la prestigieuse récompense « Enrico Caruso Award ». L’Italie fêtera Mario Lanza comme l’enfant prodige qui revient au pays. Plusieurs récompenses lui seront décernées, dont « Il Maschero d’oro » (le masque d’or) qui honore l’artiste qui a le plus contribué à faire connaître dans le monde le Bel Canto et la musique populaire italienne.

Mario Lanza sera fait « Citoyen d’honneur » de la ville de Naples. A Cinecittà, il tournera deux films: « Arrivederci Roma » (Les Sept Collines de Rome - 1957) et « Come prima » ou « For The First Time » (La fille de Capri -1958). Il enregistrera dans les studios « Angelico » du Vatican et de Cinecittà, une soixantaine de chansons qui donneront naissance à de magnifiques albums dont deux « must » : « Mario at his best » et « Mario Lanza sings Caruso Favorites ».

Lorsqu’il enregistra sur la scène de l’opéra de Rome des arias pour son film Come Prima  (Titre américain : For The First Time), il fit bondir d’enthousiasme et d’émotion les musiciens de l’orchestre, eux qui avaient tout vu et tout entendu et qui nourrissaient quelques préventions à l’égard de la « star américaine de cinéma », encore jamais entendue par eux en spectacle vivant.

Riccardo Vitale, directeur artistique de l’Opéra de Rome, qui avait assisté à ces enregistrements, s’empressera de lui proposera de faire l’ouverture de la saison 1960/1961 à l’Opéra de Rome.

Simultanément, il recevra du Maestro Victor de Sabata, directeur de la Scala de Milan, qui le sollicitait depuis plusieurs années, une proposition pour Tosca  ou pour tout autre ouvrage qu’il souhaiterait interpréter.

En 1957 et 1958, Mario Lanza donnera une série de concerts en Europe : Angleterre, Ecosse, Pays de Galles, Belgique, France, Pays-Bas, Allemagne. Le 18 novembre 1957, il chantera au Palladium de Londres en présence de la Reine Elisabeth d’Angleterre, de la famille royale et de 2 300 spectateurs, pour le Gala de charité du Variety Club où il est « la » star devant deux autres célébrités, Judy Garland et Count Basie.

Le public qui ne l’avait jamais entendu « in live » est stupéfait par la puissance et la qualité de la voix. La presse londonienne est enthousiaste et unanime. The News Chronicle : « La voix de Mario Lanza en concert n’est rien de moins que splendide »

Pour le concert du 16 janvier 1958, au Royal Albert Hall de Londres, on vendit même des billets pour des places sur la scène. Mario Lanza chante sans micro devant 8000 personnes entassées dans cette caverne immense à l’acoustique déplorable où la voix peut se perdre et devenir inaudible, comme cela arriva à Dietrich Fischer-Dieskau.

Ce concert, le seul enregistré de cette tournée européenne, fut un triomphe : l’homme Lanza s’y révélait, en parlant avec intelligence, gentillesse et espièglerie, créant un lien évident et émouvant avec le public. (Mario Lanza Live from London). Le ténor Nicolaï Gedda, présent dans la salle, déclare: « C’est la plus grande voix que j’aie jamais entendue ! »

Richard Bonynge, directeur de l’opéra de Londres, et son épouse, la soprano Joan Sutherland, qui assistaient à ce concert, déclareront : « Nous savions que dans les films la voix est amplifiée, mais nous ne nous attendions pas à entendre une voix d’une pareille dimension ni d’une telle musicalité. Nul doute que Mario Lanza aurait pu faire une fantastique carrière à l’Opéra ».

C’est au cours de cette tournée de concerts que la santé du ténor va se dégrader progressivement même si les spectateurs ne s’en rendirent pas compte car « sa voix était plus belle, plus sombre et plus riche que jamais », comme le dira Callinicos, son accompagnateur, qui ajoutera : « Elle me donnait le frisson ! ».

On peut simplement constater, comme on peut le voir sur Youtube lors du concert au Palladium de Londres, qu’il n’arrêtait pas de se balancer d’une jambe sur l’autre, car une phlébite le faisait souffrir. Le professeur de médecine consulté à Hambourg confirmera la présence d’une phlébite dans sa jambe droite, constatera une hypertension artérielle avec un maxima à 29 et un cœur fatigué. Il lui conseillera de se ménager d’urgence et très sérieusement, à défaut de mourir dans l’année.

Mario Lanza vivait, c’est bien connu, à 100 à l’heure. Jeff Rense, un de ses biographes, dira: « C’est comme si deux ou trois hommes cohabitaient à l’intérieur du même corps. » Sa vie professionnelle était depuis dix ans un incessant tourbillon. Entre la promotion des films qui se succédaient, les tournages qui s’enchainaient, les émissions de radio et de télévision, les très nombreux enregistrements pour RCA, et les tournées de concerts, il n’avait que trop rarement le temps de prendre du repos.

A une journaliste, en l’occurrence la célèbre Hedda Hopper, qui lui demandait en 1956 pourquoi il n’était toujours pas propriétaire d’une résidence, il répondit : « Je n’ai jamais eu encore le temps de rechercher la villa de mes rêves ! »

A ce surmenage physique et nerveux, il faut ajouter les nombreuses cures d’amaigrissement, obligatoires avant chacun de ses films. Plus il perdait rapidement du poids, et plus il en regagnait, c’est un phénomène bien connu. Ces diètes trop souvent répétées étaient pour lui une violente torture physique qu’un être humain ne peut supporter longtemps sans mettre gravement sa santé en danger.

Le concert de Paris sera écourté et ceux de Hambourg et de Baden-Baden seront annulés.

Hospitalisé pour des examens médicaux à la clinique Valle Giulia de Rome, Mario Lanza mourra subitement d’un arrêt cardiaque consécutif à sa phlébite, au moment où il s’apprêtait à quitter la clinique le 7 octobre 1959. Il avait à peine 38 ans.

Une infirmière le découvrira inanimé. Il était assis sur un fauteuil à côté de son lit avec sur ses genoux un disque qu’il venait de dédicacer. Il attendait son chauffeur pour le conduire chez lui.

La veille de sa mort, il avait chanté pour le personnel de la clinique et les malades, « Come Prima » et « E lucevan le stelle ». Puis, exténué il était retourné dans sa chambre s’allonger sur son lit.

Gigantesque dans la mort comme dans la vie, Mario Lanza aura trois funérailles grandioses à Rome, Philadelphie et Hollywood où il sera inhumé dans la crypte de la chapelle du Holy Cross Cemetery à Culver City. Son épouse Betty repose à ses côtés. Elle ne surmontera pas la mort de son mari et mourra cinq mois après lui, le 11 mars 1960, à l’âge de 36 ans, d’une surdose de tranquillisants. Elle sera inhumée avec la modeste alliance que Mario lui avait acheté en avril 1945 pour 6,95 dollars et qu’elle n’avait jamais quittée.

Leur fille aînée, Colleen, dira : « Maman est morte le 7 octobre 1959, le jour de la mort de papa »

Mario Lanza était admiré par ses pairs : Tito Schipa, Robert Weede, Robert Merrill, Dorothy Kirsten, Giuseppe Di Stefano, Carlo Bergonzi, Alfredo Kraus, Lawrence Tibbett, Ezio Pinza, Oreste Kirkop, Richard Tucker et bien d’autres.

Maria Callas dira : « Tant au niveau de la voix que de la technique, Mario Lanza était un génie ». Elle regrettera de n’avoir jamais eu l’opportunité de chanter « avec la plus belle voix qu’elle eut jamais entendue ».

Deux grands « anciens » et non des moindres, Renata Tebaldi et Jussi Bjoerling, déclarèrent ne pas pouvoir écouter la voix de Lanza, que Tito Schipa qualifiait de « don du ciel », sans avoir les larmes aux yeux. Tous deux lui rendirent visite à Hollywood.

De très nombreux chanteurs, à commencer par les « Trois Ténors », Pavarotti, Domingo et Carreras, déclareront avoir eu leur vocation inspirée par Mario Lanza. Tous admireront ses interprétations passionnées, son emprise sur l’auditoire, son timbre splendide, ses aigus aisés et ses médiums sombres et cuivrés, sa diction parfaite et surtout l’extraordinaire émotion dégagée par sa voix unique.

En 1982, Luciano Pavarottidira : « La voix de Mario Lanza était sensationnelle ! Pas seulement magnifique, sensationnelle ! Depuis que Mario Lanza est mort, Caruso n’a plus de successeur, il n’a que des apôtres ! » Il ajoutera : « J’ai vu tous les films de Mario Lanza. Pour moi, Caruso, Mario Lanza et Maria Callas, furent les trois plus grands ambassadeurs du monde moderne de l’opéra ».

Parmi l’actuelle génération on peut citer : Richard Leech, Richard Margison, Vincenzo La Scola, Mario Frangoulis, Aaron Caruso, Joseph Calleja, Renée Fleming, Angela Georghiu, Roberto Alagna, sans parler des lauréats du « Concours international de chant Mario Lanza » : Juan Diego Flores, Joyce di Donato…) qui se tient tous les ans depuis 1961 à Philadelphie, sous l’égide du Mario Lanza Institute, le premier week-end de Novembre.

La soprano Olivia Stapp dit : « L’héritage que Mario Lanza a laissé du point de vue d’un chanteur, est énorme. Bien que sa vie privée fût probablement tout aussi intéressante et parfois même plus pour certains, il ne fait aucun doute qu’il nous a laissé avec ses enregistrements et ses films, un formidable testament, celui de son lumineux génie. Exactement comme la Cathédrale Notre Dame de Paris, surprend et inspire les jeunes architectes d’aujourd’hui, et le fera encore dans l’avenir, Mario Lanza en fera de même pour les jeunes chanteurs les temps à venir. » Quel hommage !

Il faut évoquer ses extraordinaires interprétations des chansons italiennes : non seulement les standards planétaires (O Sole Mio, Santa Lucia, Torna A Surriento…), mais aussi et surtout les grandes et éternelles « mélodies sombres » napolitaines chantées avec un accent et une justesse qui stupéfiaient même les italiens : Santa Lucia Luntana, ‘Na Sera ‘e Maggio, Dicitencello Vuie, Passione, La Mia Canzone, Vaghissima Sembianza, Senza Nisciumo, Ideale, Fenesta Che Lucive… De l’or pur !

Ces chansons, familières de Caruso, parlent de la vie, de la mort, de l’amour, de la solitude, du temps qui passe, en bref de la condition fragile de l’homme. Ce qui faisait dire à Lanza, fils de l’Amérique, petit-fils de l’Italie qui portait en lui la tragédie et qui avait le pressentiment de sa mort prématurée: « La vita è breve, la morte vien ! » (La vie est courte, la mort vient)

On ne peut rendre justice au talent de Mario Lanza sans évoquer ses interprétations des airs de Francesco Paolo Tosti, mélodiste fin et délicat et des poèmes magnifiques de Gabriele d’Annunzio, mis en musique par Tosti, et dont Lanza raffolait, montrant son éclectisme, son bon goût et son amour des « belles paroles » (« Je chante toujours chaque mot et chaque note comme si c’était la dernière fois, comme si ma vie en dépendait ! »).

Là encore, de l’or pur. Et nul ne s’y trompe, ni Plácido Domingo qui reprend certains airs comme « Ideale », en duo avec le violon d’Itzhak Perlman, ni Ben Heppner, qui consacre un très bel album aux mélodies de Tosti, intitulé « Ideale », ni Richard Leech, avec son magnifique album « From the Heart ».

Ces grands artistes marchent fièrement dans les traces de Mario Lanza et ne s’en cachent pas. Domingo lui a consacré un DVD « Mario Lanza, The American Caruso » et rédigé la préface de la biographie en anglais d’Armando Cesari « Mario Lanza An American Tragedy ».

Richard Leech ne cesse de multiplier les hommages au Met de New York, tandis que José Carreras lui dédie de nombreux concerts au tour du monde. Il est président d’honneur de la British Mario Lanza Society.

On n’aura pas non plus rendu justice à Mario Lanza si l’on n’a pas évoqué ses interprétations de chants religieux, comme : The Lord’s Prayer, You’ll Never Walk Alone, I’ll Walk With God, les Ave Maria de Schubert et de Gounod ; Holy Night (Minuit Chrétiens)…, lui le jeune italo-américain du quartier de Little Italy, l’enfant de chœur de l’église italienne de Santa Maria Magdalena dei Pazzi, où à l’âge de 18 ans il fit tressaillir les paroissiens en chantant l’Ave Maria et où son corps fut exposé pour ses secondes funérailles (après celles de Rome et avant celles d’Hollywood).

Cette même église où est célébrée tous les ans depuis 1961, le dimanche matin du Concours International de Chant Mario Lanza, une messe en sa mémoire.

Le jour de l’enregistrement de « I’ll Walk With God » pour la bande-son du film « Le Prince Etudiant », en passant en voiture devant l’Eglise du « Good Shepherd » (Bon Berger), sur Sunset Boulevard, Mario Lanza demanda à son ami Terry Robinson de s’arrêter pour qu’il puisse se recueillir et prier quelques instants seul. Puis il se rendit au studio de la MGM où il enregistra ce chant avec une ferveur inégalée et d’une seule prise (Quelle inspiration !). Quand il eut fini de chanter, Wesley Tourtelot, l’organiste qui l’accompagnait, avait les larmes aux yeux !

Le même phénomène se reproduira en 1956, lorsqu’il enregistrera « Nessun dorma » pour son film Sérénade. Le premier violon avait les larmes qui lui coulaient des yeux au fur et à mesure que Mario Lanza chantait, dira le maestro Ray Heindorf qui conduisait l’orchestre.

Mario Lanza aura vécu en pleine célébrité pendant 14 ans. Il aura traversé le ciel étoilé du Bel Canto et de la belle musique à la vitesse d’une comète et aura laissé plus de traces que tout autre. Même si on peut regretter qu’il ne nous ait pas laissé des enregistrements d’opéras entiers. RCA ne le lui a proposé que quelques mois avant sa mort.

Mais qui aurait imaginé que Mario Lanza allait partir à seulement 38 ans.

 

Portrait rédigé par Marcel AZENCOT et Alain FAUQUIER
Fondateurs et animateurs de

l’Opéra Club de Paris Mario Lanza

En savoir plus : www.operaclubdeparis-mariolanza.fr