MARIA CALLAS





I l y a 30 ans, le 16 septembre 1977 à 13h30, disparaissait celle que les italiens avaient surnommé « la Divina ». Elle n’avait que 53 ans.

Avec Luciano Pavarotti et Herbert von Karajan, elle était l'une des seules interprètes du répertoire classique à avoir conquis une véritable popularité.

Pour le trentenaire de sa mort, une émission spéciale lui a été consacrée, avec la diffusion d’une interview sur 45 tours de Jacques Bourgeois, dans laquelle le journaliste et critique musical interroge la diva sur son art.

Et quel art, puisque Maria Callas a tout simplement réinventé le mythe de la cantatrice et révolutionné l’art lyrique auquel elle a donné une dimension nouvelle. Après elle, qui supporterait de voir une plantureuse matrone figée au milieu de la scène avec des gestes stéréotypés, incarner les grandes héroïnes romantiques, Tosca, Norma, Médée ou Violetta ?

Car en plus d'être une artiste accomplie, Maria Callas, portée par l'excellence de son art, était aussi une femme rayonnante, au charisme irrésistible. En plus d’être la plus grande chanteuse de son temps, La Callas ensorcelait par son magnétisme physique digne des plus grandes stars d’Hollywood. Star sur les planches, icône de la Jet set, sa vie a été un roman. C’est la raison pour laquelle, 30 ans après sa disparition, le mythe Callas n'a toujours pas faibli.



L’entretien a lieu le 30 septembre 1968, soit 9 ans avant sa mort. Maria Callas a 44 ans. Elle ne chante plus : elle s’est déjà retirée de la scène lyrique depuis 3 ans, en juillet 65, après avoir chanté Tosca, le rôle de ses débuts, à Covent Garden. Officiellement, elle se repose mais en secret elle croit toujours à un retour possible. Malheureusement, sa voix, trop sollicitée par trop d'acrobaties ne vivra plus que sur ses enregistrements.

UNE VOIX QUI A ROUVERT L’ERE DU BEL CANTO



Maria Callas parle de retour à la tradition, celle du bel Canto, que lui a enseignée son professeur, la grande colorature espagnole, Elvira de Hidalgo.

Jusqu’alors, cet art triomphant dans le premier tiers du XIXe siècle, que les clameurs verdiennes et wagnériennes avaient effacé, n’avait survécu que chargé d’ornements faits pour mettre en valeur les interprètes. Callas en retrouva la souplesse et l’âme inquiète. En cela, sa Norma fut une véritable résurrection. Janine Reiss se souvient : «Un jour que nous travaillions la cadence finale d’Anna Bolena, je m’étonnais de ne l’avoir jamais entendue ainsi. “Mais, dit Maria, c’est juste que je la chante comme elle est écrite.”

En remettant à l'honneur Vincenzo Bellini et Gaetano Donizetti, elle ouvrit la voie à ses consoeurs, Joan Sutherland, Leyla Gencer, Montserrat Caballé, et elle incita les mélomanes à prêter l'oreille à des ouvrages délaissés : « Poliuto » ou « Anna Bolena » de Donizetti, « Le Pirate » de Bellini lui sont éternellement redevables.



UNE ACTRICE EXCEPTIONNELLE



La Callas insiste bien sur l’importance de l’interprétation : se contenter de faire des notes serait en quelque sorte conduire l’opéra à sa perte.

Si Maria Callas a fait renaître toute une tradition vocale, c’est surtout par son charisme et son jeu d’actrice qu’elle a révolutionné l’opéra. Maria Callas nous raconte comment, par petites touches, finalement un peu comme un peintre, elle donne progressivement naissance à ses personnages.

Rappelons qu’avant d’aborder un rôle, la cantatrice en lisait sans fin le texte, pour ne pas trop laisser le chant l’emporter.

Obsédée par son devoir de fidélité à la musique, elle ne pris jamais soin de sa voix, juste occupée à la faire servir.

Actrice, Callas se mue, sur la scène, en personnage sans gestes superflus, en tragédienne éthérée qui rompt avec une tradition où ruisselaient l'émotion et les larmes amères. Les larmes, on dit qu'elles les a dans la gorge, et on a écrit qu'elle mourait vraiment chaque fois qu'elle chantait Violetta.



ULYSSE ET PENELOPE



La Callas évoque le rôle de Médée et parle de trahison : on ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre Jason et Onassis qui ont tous deux abandonné leur compagne pour une autre. Onassis quittera en effet sa femme, Tina, pour Maria mais, contre toute attente, il ne l’épousera pas pour autant.



La diva du siècle avait pourtant mis sa carrière de côté pour lui : en 1960 elle n’accepte en tout et pour tout que sept représentations pour toute l’année. Le seul rôle qui lui importe à présent est celui d’épouse et de mère de famille, et jusqu’en 1963, ses engagements vont se réduire à peau de chagrin.

On sent d’ailleurs la Callas très désabusée : elle dit très clairement qu’elle ne pense pas que le grand amour et la grande loyauté puissent exister dans la vraie vie.

Désabusée, il y a de quoi l’être. Nous sommes le 30 septembre 1968. Dans un mois à peine, le 20 octobre, c’est Jackie Kennedy qu’Onassis va épouser.

Humiliation, traîtrise, abandon. Le choc est terrible : le 17 octobre 1968, elle apprend par une agence de presse qu'Aristote Onassis et Jackie Kennedy se marient dans trois jours à Skorpios. Elle en meurt sur place. Il l'a quittée en lui disant : «Tu n'es personne, tu n'es qu'une femme avec un sifflet dans la gorge, un sifflet qui ne fonctionne plus.»

Petit à petit, celle qui a été adulée par des milliers de personnes va devenir la solitaire de l’avenue Mandel. Elle joue aux cartes dans sa cuisine avec son chauffeur Ferrucio, s'habille encore en Parisienne, attend que le téléphone sonne pour lui ramener Ari.

Le 2 novembre 1974, la Callas chante pour la dernière fois au Japon. La Callas vient de mourir. Maria ne lui survivra pas trois ans.

 

Floria Rosimiro et Paul Leitch pour