LA VIE DES COMPOSITEURS AU 19e SIECLE

1ere partie




Le 19e siècle est l’époque où l’opéra est au cœur de la vie sociale italienne. C’est un spectacle vivant pour lequel tout le monde se passionne et son public est même aussi fanatique que celui des stades d’aujourd’hui et cet engouement national ne fait pas chômer les compositeurs. Et c’est peut-être là, finalement, que réside la première grande difficulté de leur métier : il faut écrire vite et bien !


COPERTINA PER CANTO E PIANO DELLA

«GIOVANNA D'ARCO»




Le mois dernier je vous évoquais un Verdi ramené à son hôtel dans une calèche dont les tiffosi avaient dételé les chevaux, un Donizetti ou un Bellini portés en triomphe, mais ce tableau est beaucoup trop idyllique : la vie d’un compositeur au 19e siècle, même pour les plus grands d’entre eux, est loin d’être une sinécure, et il leur a fallu surmonter bien des obstacles avant d’en arriver là.


Si on ne prend que l’exemple de Verdi, et bien, avant de devenir le « Maestro Verdi », il lui a d’abord fallu des années d’un labeur si dur que ce petit paysan endurci, les avait appelées ses « années de galère », ce qui veut tout dire. Il n’a pas écrit moins de 17 opéras au cours des dix premières années de sa carrière ! Et n’oublions pas, qu’en plus d’écrire les ouvrages, les compositeurs devaient aussi superviser les répétitions



DES DELAIS TRES COURTS



A cette époque il faut bien retenir que l’opéra est une véritable industrie et que la publication du « cartellone », c’est à dire le programme de la saison, est attendue avec plus d’impatience que celle d’une nouvelle Constitution. Concrètement l’année se divise en plusieurs saisons pour chacune desquelles on représente au moins un opéra nouveau, si ce n’est deux, ce qui fait des délais vraiment très courts.


Il faut, en fait, pratiquement toujours travailler dans l’urgence car le public réclame sans cesse de nouveaux ouvrages et on reprend rarement les mêmes. Du coup il faut produire des mélodies à la chaîne, tout en s’adaptant aux goûts des théâtres et de leurs publics. Le manque de temps est un des grands problèmes : un compositeur n’a jamais plus d’un mois pour écrire son opéra ! Je viens de parler de Verdi. Et bien, il a composé et orchestré son Rigoletto en 15 jours !


Ils accomplissaient un travail qui peut paraître surhumain de nos jours. Donizetti, en autre, était connu pour sa puissance de travail phénoménale, tout comme Rossini : lui aussi n’a mis que deux semaines pour écrire son Barbier de Séville! Il faut dire que le « cygne de Pesaro », avait la réputation d’avoir une facilité d’écriture absolument exceptionnelle et que l’urgence, finalement, stimulait.

Mais il n’y a quand même pas de miracle : même lui, pour pouvoir composer rapidement, utilisait une structure de base qui servait à toutes ses comédies. Et n’oublions pas que, comme ses collègues, il se faisait aussi parfois aider par des collaborateurs.

LA CENSURE



On a parlé de l’urgence dans laquelle les compositeurs écrivent, mais ils devaient faire face à un autre problème, c’est celui de la censure de l’époque qui les obligeait très souvent, après un travail acharné, à revoir pratiquement toute leur partition au dernier moment. Il leur fallait plaire aux autorités et s’adapter à leurs goûts : ils devaient donc bien souvent réécrire des actes entiers, voire changer les noms des personnages.


Prenons l’exemple de Donizetti (ci-contre) et de sa Maria Stuarda. Cet ouvrage a été défiguré à Naples parce que la reine Marie-Christine se serait trouvée mal au cour d’une répétition en voyant sa lointaine aïeule se confesser sur scène. Cette anecdote appartient sans doute à la légende, mais, quoi qu’il en soit, quelques jours plus tard, le roi Ferdinand en empêchait la production. Il est vrai qu’il y avait aussi beaucoup trop de morts pour un roi réputé ne pas aimer les sujets tristes.


Dans le cas de Maria Stuarda, par chance, la musique est jugée bonne, donc on n’interdit pas l’ouvrage mais on ordonne à Donizetti de remp lacer le livret, qui devient successivement Giovanna Grey puis Buondelmonte. Et même après tous ces remaniements, l’ouvrage fini quand même par être censuré au bout de six représentations. Il faut dire que la dispute entre les deux reines, Maria Stuart et Elizabeth 1ere, était si violente qu’elle aurait rebuté le mieux disposé des censeurs de l’empire des Habsbourg.



La violence de l’affrontement entre les deux reines était d’ailleurs renforcée par l’inimitié que se portaient les créatrices, Giuseppina Ronzi de Begnis (ci-contre) et Anna Delserre.


On raconte que leur face-à-face dégénérait parfois en pugilat sur scène !



LES TRACAS DE LA VIE QUOTIDIENNE



Faisons-en un petit tour d’horizon rapide en prenant Verdi pour exemple, mais sachant que ces tracas sont, bien sûr, valables pour tous ses autres collègues.


Verdi a dû négocier durement ses contrats avec des imprésarios à parole multiple, surveiller ses éditeurs qui le caressaient toujours dans le sens du poil et le volaient parfois, comme il se doit.


A tout ça il faut ajouter des orchestres qui répètent trop peu ou trop tard et aussi les crues du Pô, les épidémies qui font fermer les théâtres, les malaises des chanteuses et des chanteurs qui viennent compromettre une représentation, quelques émeutes ici ou là (n’oublions pas que nous sommes dans une époque politiquement très troublée), et tous ces gens qui racontent des histoires sur vous ou qui les écrivent dans les petits journaux !



VERDI PRESENTA A VITTORIO EMANUELE II IL PLEBISCITO DELL'EMILIA | poli-2.jpg

(Da un disegno di Edoardo Matania)


Sans oublier toutes ces lettres auxquelles l’usage impose de répondre, comme ce spectateur d’Aïda, mécontent du spectacle, qui avait réclamé que Verdi lui rembourse sa place et son billet de chemin de fer, ce qu’il avait d’ailleurs fait.



«LE NOTE» ITALIANE A PARIGI. | caric-13.jpg

Per convertire gli stranieri al culto dell'Italia, val più una nota della tromba d'«Aida» presentata da Verdi che tutte le note che può emettere Sua Eccellenza Melegari.


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